Afin de comprendre pourquoi FreeBSD utilise le format elf(5), vous devez d'abord connaître quelques détails concernant les trois formats “dominants” d'exécutables actuellement en vigueur sous UNIX®:
Le plus vieux et le format objet “classique” d'UNIX. Il utilise une entête courte et compacte avec un nombre magique au début qui est souvent utilisé pour caractériser le format (voir la page de manuel a.out(5) pour plus de détails). Il contient trois segments chargés: .text, .data, et .bss plus une table de symboles et une table de chaînes de caractères.
COFF
Le format objet SVR3. L'entête comprend une table de section, de telle sorte que vous avez plus de sections qu'uniquement .text, .data et .bss.
Le successeur de COFF, qui permet des sections multiples et des valeurs possibles de 32 bits et 64 bits. Un inconvénient majeur: ELF a aussi été conçu en supposant qu'il y aurait qu'un seul ABI par architecture système. Cette hypothèse est en fait assez incorrecte, et même dans le monde SYSV (qui a au moins trois ABIs: SVR4, Solaris, SCO) cela ne se vérifie pas.
FreeBSD essaye de contourner ce problème en fournissant un utilitaire pour marquer un exécutable connu ELF avec des informations sur l'ABI qui va avec. Consultez la page de manuel de brandelf(1) pour plus d'informations.
FreeBSD vient du camp “classique” et a utilisé le format a.out(5), une technologie employée et éprouvée à travers des générations de BSDs, jusqu'aux débuts de la branche 3.X. Bien qu'il fut possible de compiler et d'exécuter des binaires natifs ELF (et noyaux) sous FreeBSD avant cela, FreeBSD a initialement résisté à la “pression” de passer à ELF comme format par défaut. Pourquoi? Bien, quand le camp Linux ont fait leur pénible transition vers ELF, ce n'est pas tant fuir le format a.out qui rendait difficile la construction de bibliothèques partagée pour les développeurs mais le mécanisme de bibliothèques partagées basé sur des tables de sauts inflexible. Puisque les outils ELF disponibles offraient une solution au problème des bibliothèques partagées et étaient perçus comme “le chemin à suivre” de toute façon, le coût de la migration a été accepté comme nécessaire, et la transition a été réalisée. Le mécanisme FreeBSD de bibliothèques partagées se rapproche plus du style de mécanisme de bibliothèques partagées de SunOS™ de Sun, et est très simple à utiliser.
Pourquoi existe-t-il tant de formats différents?
Dans un obscure et lointain passé, il y avait du matériel simple. Ce matériel simple supportait un simple petit système. a.out était complètement adapté pour représenter les binaires sur ce système simple (un PDP-11). Au fur et à mesure que des personnes portaient UNIX à partir de ce système simple, ils ont maintenus le format a.out parce qu'il était suffisant pour les premiers portages d'UNIX sur des architectures comme le Motorola 68k, les VAX, etc.
Alors un certain ingénieur matériel brillant a décidé qu'il pourrait forcer le matériel à faire des choses bizarre, l'autorisant ainsi à réduire le nombre de portes logiques et permettant au coeur du CPU de fonctionner plus rapidement. Bien qu'on l'a fait fonctionner avec ce nouveau type de matériel (connu de nos jour sous le nom de RISC), a.out n'était pas adapté à ce matériel, aussi beaucoup de formats ont été développés pour obtenir de meilleures performances de ce matériel que ce que pouvait offrir le simple et limité format qu'était a.out. Des choses comme COFF, ECOFF, et quelques autres obscures formats ont été inventé et leur limites explorées avant que les choses ne se fixent sur ELF.
En outre, les tailles des programmes devenaient énormes alors que les disques (et la mémoire physique) étaient toujours relativement petits, aussi le concept de bibliothèque partagée est né. Le système de VM (mémoire virtuelle) est également devenu plus sophistiqué. Tandis que chacune de ces avancées était faites en utilisant le format a.out, son utilité a été élargie de plus en plus avec chaque nouvelle fonction. De plus les gens ont voulu charger dynamiquement des choses à l'exécution, ou se débarrasser de partie de leur programme après l'initialisation pour économiser de l'espace mémoire et de pagination. Les langages sont devenus plus sophistiqués et les gens ont voulu du code appelé automatiquement avant la partie principale du programme. Beaucoup de modifications ont été apportées au format a.out pour rendre possible toutes ces choses, et cela a fonctionné pendant un certain temps. Avec le temps, a.out n'était plus capable de gérer tous ces problèmes sans une augmentation toujours croissante du code et de sa complexité. Tandis ELF résolvait plusieurs de ces problèmes, il aurait été pénible de quitter un système qui a fonctionné. Ainsi ELF a dû attendre jusqu'au moment où il était plus pénible de rester avec a.out que d'émigrer vers ELF.
Cependant, avec le temps, les outils de compilation desquels ceux de FreeBSD sont dérivés (l'assembleur et le chargeur tout spécialement) ont évolué en parallèle. Les développeurs FreeBSD ajoutèrent les bibliothèques partagées et corrigèrent quelques bogues. Les gens de chez GNU qui ont à l'origine écrit ces programmes, les récrivirent et ajoutèrent un support plus simple pour la compilation multi-plateformes, avec différents formats à volonté, et ainsi de suite. Lorsque beaucoup de personnes ont voulu élaborer des compilateurs multi-plateformes pour FreeBSD, elles n'eurent pas beaucoup de chance puisque les anciennes sources que FreeBSD avait pour as et ld n'étaient pas adaptées à cette tâche. Le nouvel ensemble d'outils de GNU (binutils) supporte la compilation multi-plateformes, ELF, les bibliothèques partagées, les extensions C++, etc. De plus, de nombreux vendeurs de logiciels fournissent des binaires ELF, et c'est une bonne chose pour permettre leur exécution sous FreeBSD.
ELF est plus expressif qu'a.out et permet plus d'extensibilité dans le système de base. Les outils ELF sont mieux maintenus, et offrent un support pour la compilation multi-plateformes, ce qui est important pour de nombreuses personnes. ELF peut être légèrement plus lent qu'a.out, mais tenter de mesurer cette différence n'est pas aisé. Il y a également de nombreux détails qui diffèrent entre les deux dans la façon dont ils mappent les pages mémoire, gère le code d'initialisation, etc. Dans le futur, le support a.out sera retiré du noyau GENERIC, et par la suite retiré des sources du noyau une fois que le besoin d'exécuter d'anciens programmes a.out aura disparu.
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